Hier soir, il y avait à la télévision la parade annuelle des paons au coeur en or. Hier soir, comme d'habitude, je n'ai pas regardé. Et aujourd'hui, comme d'habitude, je suis énervée.
Par le fait qu'effectivement,
"aujourd'hui, on n'a plus le droit, ni d'avoir faim, ni d'avoir froid" , et que pourtant, il y a des personnes en détresse plus qu'hier et moins que demain, comme on dit. Mais aussi par cette grotesque fanfare de ce que les francophones avertis appelleront les people (
prononcer : pipole ou popaul, c'est selon) et le charity business (
prononcer : tchariti biznesse ou piège à trolls, c'est selon).
Bref, ces délicieux enfoirés ont à nouveau régalé la galerie et fait chanter, pleurer et fredonner dans les chaumières généreuses. Et ont à nouveau, je l'imagine, exhorté les "vrais gens" à acheter, acheter, acheter le DVD, le CD, les t-shirts, briquets,
grille-pains,
chaussettes...
Ce qui m'énerve est pourtant simple :
Qui a le plus les moyens financiers d'aider
les Restos du Coeur : Florent Pagny, qui fait du fric en larmoyant que l'Etat français a l'audace de lui demander une partie de son très gros pécule gagné à vendre de la soupe en CD ou E., serveuse au smic à qui l'on dit que si elle achète, elle sera généreuse et nourrira des gens
comprenons là que si elle ne le fait pas, elle les laisse crever ?
Qui a le plus d'influence pour créer des initiatives associatives : Jean-Jacques Goldman, maître à chanter qui décide seul qui a le droit de joindre la bande et qui n'en a pas le droit ou C., travailleuse au smic qui reprend sa vie à zéro et se doit d'être solidaire et d'avoir 20 €uros à dépenser ?
Qui est le/la plus respectable : Zazie, qui met en musique et vend ses leçons de morale, ou M., bénévole depuis cinq ans à servir des repas, les deux mains dans le concret ?
Qui est le/la plus logique : la petite troupe des Enfoirés (à l'exception notable de Yannick Noah) qui part prêcher la bonne parole en tournée mais logés dans des grands hôtels
on ne va pas se laisser abattre ou M., travailleuse de petite classe moyenne qui rogne un petit peu sur son budget pour faire des dons épisodiques ?
Qui, enfin, a le plus de fric à partager : Johnny Hallyday, qui trouve normal de frauder et de voler en tout héroïsme franchouillard, ou le tenancier du bar des fans de Johnny vu à la télévision et pour qui les fins de mois et les dettes commencent le 20 ?
Quand je veux et quand je peux donner, je le fais. Je n'ai pas besoin que l'on me supplie et me tanne à me vendre pour la bonne conscience du pseudo-rêve porté par les riches étendards du marché de la musique.
Halte au chantage, si ces messieurs dames au si grand coeur et à la leçon facile veulent aider, qu'ils donnent, eux, aux personnes dans le besoin, et même, pour commencer, à leurs 'fans' qui payent un prix irraisonnable pour une misérable place de concert et puis même, soyons dingues, qu'ils donnent d'abord aux impôts. Après tout, qui paye ses dettes s'enrichit, et n'est-ce pas là ce qu'ils veulent ?