Chère Zazie,
Je viens d'apercevoir à la télévision votre nouveau clip. Celui où vous gigotez dans une pantomime à la Monty Pythons pour vendre des nouveaux forfaits de téléphonie mobile présentés comme "mythiques". Et ce n'est même pas vous qui chantez, un comble. Ah, vraiment, ces commerciaux SFR sont des chiens.
J'ai déjà tout ce qu'il me faut en matière de téléphonie mobile, et je ne suis que très peu cliente de manière générale, je vous remercie donc de ce démarchage top tendance mais me dois de décliner. De plus, je sature de tous les marchand/e/s de tapis, surtout lorsqu'ils/elles ne vendent même pas de tapis, qui viennent gratter à ma porte.
Cela dit, cette lettre a un but. Car oui, chère Zazie, j'ai une question à vous poser. Et même plusieurs. Vous qui défendez chez beaucoup et à mon étonnement quotidien une certaine idée de la charité, médiatisée et starisée, qu'allez-vous donc faire de tout cet argent qu'SFR n'a pas manqué de vous verser, car une image et une respectabilité, cela se monnaye ? Allez-vous, vous si prompte à tendre une main non solidaire mais fermement quêteuse à de nombreuses personnes issues de classes basses et moyennes pour qu'ils et elles achètent votre voix et votre générosité annuelle afin de financer les Restos du Cœur et vos séjours d'"enfoirée" dans les hôtels qu'ils/elles ne verront jamais qu'en photo dans Gala, allez-vous, donc, verser directement cette somme à cette oeuvre caritative tristement nécessaire et cruellement dans le besoin ? Ou peut-être allez-vous, vous si avide à faire emprisonner n'importe quel/le adolescent/e qui économise pour se payer son Biactol et ses clopes et serait assez bravache et atrocement malhonnête pour télécharger illégalement quelques unes de vos chansons qui, pourtant, ne me semblent pas être écrites et interprétées à perte de votre part, allez-vous, disais-je, le verser à la brave milice policière qui jettera tantôt en prison tout fou égaré sur un serveur de peer-to-peer ?
Ces questions longues comme un jour passé à vivre au bord du Canal Saint-Martin ne vous affligeront que peu, il est vrai. Mais cet argent, nul doute qu'il peut apparaître comme paradoxal. Ce qui me rassure, c'est que vous devez vous consoler aisément de cette indécence en chantant passionnément et proprement pendant que d'autres, qui mettent les deux mains dans des cartons de boîtes de conserve pour les distribuer dans le froid et le petit matin à des gens qui ne sentent pas la haute-couture, vont acheter la compilation de soupes de chansons millésimées, de la brume plein les yeux devant votre côté "si proche du peuple".
Chère Zazie, chère Madame Truchis de Varennes, vous êtes un modèle dans cette nouvelle France qui se lève tôt où tout, de la politique à l'argent, devient, pour reprendre le mot du chef, "décomplexé". Encore que je ne serais pas surprise d'apprendre que vous vous passionnez actuellement pour les agences immobilières helvétiques, et pas seulement pour les fromages et le chocolat.
L'avantage du vouvoiement, c'est qu'il peut être à la fois une preuve de respect, de méconnaissance, de mépris et de distance. Permettez-moi de vous offrir le premier, cela peut toujours vous servir.
Salutations, ou pas,
Killer Queen.